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La transition numérique au service de la transformation énergétique dans le domaine de la construction (Philippe Robart)

12 février 2017 ParisTech Book
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La transition énergétique s’appuie sur de nouvelles conceptions de bâtiments : adéquation aux nouvelles façons de vivre et de travailler (l’individu connecté anytime-anywhere – partout et tout de suite), meilleur usage des surfaces, mutualisation de locaux et de services, éco-conception avec en particulier une meilleure maîtrise de la matière consommée, l’autoproduction et l’autoconsommation d’énergies renouvelables.

La transition numérique doit être au service de la transition énergétique, de la performance durable des ouvrages. Or l’utilisation d’approches numériques, de modélisations et de processus BIM (Building Information Model ou Modélisation des données du bâtiment), sera réellement efficace si l’on regarde désormais le bâtiment comme un ensemble de systèmes mettant en jeu des composants, plutôt que comme un ensemble de lots.

En quelques pages, nous voudrions ici donner idée des premières orientations qui découlent de ces deux grands mouvements.

 

De la flexibilité à la réversibilité du bâtiment

La décision de construire 1m² est désormais associée à la recherche du meilleur usage de ce m² sur le cycle de vie du bâtiment, afin qu’il ait une empreinte environnementale minimale. Démolir pour reconstruire in situ est très pénalisant en émissions de CO2. Il s’agit donc de concevoir des ouvrages flexibles (à nature d’usage constant), voire réversibles (avec changement d’usage) pour contribuer aux objectifs de mutabilité de la ville.

Pour assurer une flexibilité maximale des espaces et des volumes, le système constructif qui s’impose, dans le référentiel des normes et règles de l’art actuelles, est un système poteaux-dalles sans retombée de poutre. En effet, l’utilisation de voiles bétons en partitionnement des logements ou des espaces de bureaux limite fortement la flexibilité des espaces.

Pour assurer une évolutivité de la façade et par exemple reconsidérer a posteriori l’équilibre entre les parties vitrées et les parties opaques, ou encore mettre en place ultérieurement ou enlever des panneaux producteurs d’énergie (BIPV – Building Integrated Photo Voltaïc) en fonction de l’évolution de l’environnement immédiat du bâtiment et des masques solaires, la façade est non porteuse.

La question de la lumière naturelle invite par ailleurs à privilégier des appartements traversants ou doublement exposés, et à remettre en cause les notions de noyau/circulation centrale

Pour répondre à la mutabilité souhaitée pour la ville de demain, Vinci a développé une solution réversible qui combine sept choix-clés de façon à pérenniser les investissements et limiter l’empreinte environnementale des bâtiments neufs sur leur cycle de vie complet : la solution Conjugo, construire réversible c’est construire durable.

Les systèmes poteaux-dalles et les façades à ossature bois, avec libre choix du parement, sont des éléments favorables pour un meilleur bilan carbone : il s’agit de viser une empreinte environnementale minimale sur le cycle de vie de l’ouvrage. Et l’on sait qu’un bâtiment aura plusieurs vies.

Le béton est utilisé pour les poteaux (qualité structurelle du béton) et pour les planchers, de façon à bénéficier de l’inertie thermique spécifique au béton. Après avoir travaillé à minimiser les besoins et utilisé au maximum les qualités passives du bâti, les systèmes techniques apportent et distribuent l’ultime complément d’énergie nécessaire, qui a été porté à son strict minimum.

L’intégration des énergies renouvelables peut se faire dans une démarche BIPV en utilisant des films PV dans les vitrages (films PV occultants dans un ensemble vitré transparent) et sur les parois opaques. Lafarge Holcim a développé un principe de coulage de béton fibré directement sur un film PV.

 

Quels outils et processus de conception ?

Le secteur de la construction utilise de plus en plus les méthodes de modélisation 3D des bâtiments. Le BIM est un processus de création et d’utilisation d’un modèle 3D qui permet aussi de faire communiquer les acteurs de la construction et de les aider à prendre les meilleures décisions. Le BIM permet aux acteurs de concevoir, visualiser, simuler et communiquer tout au long du cycle de vie du projet. En effet, son usage ne se limite pas à la période de construction, puisque les données de l’ensemble des matériaux et équipements peuvent y etre stockées, permettant de bâtir des plans de maintenance et faciliter l’utilisation futur du bâtiment. Son utilisation est celle d’une plateforme collaborative permettant le travail à distance et à plusieurs sur un meme projet.

Pour concevoir et réaliser des ouvrages performants qui répondent aux objectifs de la transition énergétique, et améliorer la qualité, les délais de réalisation, Vinci déploie le BIM au sein de ses filiales. Pour que les équipes en études, comme sur les chantiers, puissent constituer et manipuler efficacement des modèles organisés de façon adéquate, et ainsi produire de la valeur avec le BIM, nous avons développé une boîte à outils dans l’environnement Revit d’Autodesk : la Blue BIM Toolbox.

Cette boîte à outils a été labellisée par le PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture) en 2015.

Travailler avec le BIM est une prérequis pour aller vers la construction virtuelle : réaliser le film du chantier avant le chantier physique et ainsi anticiper les problèmes et les risques.

Le modèle BIM de l’ouvrage est également organisé en fonction de son usage ultérieur en maintenance, il constitue la carte vitale ou le passeport numérique de l’ouvrage.

 

Quelles technologies de mise en œuvre sur le chantier ?

Après avoir posé les fondamentaux de conception indiqués ci-avant, et doté les équipes des processus et outils de logiciels de conception les plus avancés, vient la question de la mise en œuvre sur le chantier. Les objectifs de construction durable se déclinent dans la continuité de la conception : sécurité accrue pour les personnels sur le chantier grâce à la construction virtuelle qui offre le maximum de pédagogie et garantit la levée des risques en amont, unicité et précision de l’information servant une qualité de réalisation accrue, rapidité de mise en œuvre par des flux logistiques définis selon la méthode lean comme dans les industries manufacturières, juste consommation de matière et d’énergie.

L’automatisation de l’acte de construire peut s’appuyer sur quatre grandes familles de techniques de réalisation : la préfabrication ; la robotique, qui dans certain cas va se substituer à l’acte manuel ; la cobotique, qui va prolonger et faciliter l’acte manuel avec plus de sécurité, plus de précision, moins de pénibilité ; l’impression 3D, famille des procédés basés sur la synthèse additive (« empiler des couches »), ici encore pour une précision optimale, mais surtout pour n’utiliser que la quantité de matière strictement nécessaire.

Ces différentes solutions peuvent être juxtaposées voire combinées.

Techniquement, l’impression 3D avec le matériau béton a encore quelques difficultés à surmonter. Le matériau doit à la fois disposer de la bonne fluidité en entrée pour pouvoir donner la forme, mais doit se figer rapidement en sortie pour éviter l’affaissement de l’ensemble multicouche produit (« une superposition de boudins »).

Le renforcement de cet ensemble multicouches pour pouvoir se référer aux normes de construction en béton armé reste à mettre au point, à moins que seuls les bétons fibrés soient utilisés, et qu’on s’affranchisse des armatures ce qui est peu probable. L’impression 3D en métal étant assez complexe, d’autres types d’armatures sont actuellement envisagés.

On constate que l’impression 3D est peu à l’aise quand il s’agit de produire de la masse (pénalisée par le principe même de couches) et qu’elle est en revanche très performante pour les structures réticulaires.

La prise en compte des nouveaux choix de conception, guidés par les objectifs de flexibilité, de sobriété énergétique, de consommation minimale des ressources, d’une part, et l’analyse des atouts et faiblesses de l’impression 3D d’autre part, conduit à penser autrement : exit les voiles porteurs au profit d’une structure qui remplace les poteaux et qui porte des planchers préfabriqués, structure optimale assurant la tenue de l’ouvrage en consommant un minimum de matière et qui peut être mise en œuvre sans danger, extrêmement rapidement, avec une performance économique. Dans la continuité du même raisonnement, il convient d’envisager des planchers mixtes béton-autre matériau (exemple mixte béton-bois) pour limiter les émissions de CO2 et maximiser les propriétés structurelles, thermiques, acoustiques du plancher.

 

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De la conception à l’exploitation des ouvrages, on va aujourd’hui vers des changements majeurs de processus et d’outils.

Pour que la transition numérique dans le bâtiment soit au service de la transition écologique, au service de la performance durable des ouvrages, tout en contribuant à la productivité des entreprises et à la sécurité des personnels, ll apparaît donc indispensable de revoir entièrement la chaîne d’information et de bousculer les usages. En premier lieu, il faut d’abord adapter les choix de conception plutôt que chercher à utiliser une technique de mise en œuvre innovante en la plaquant sur les conceptions traditionnelles. Ensuite, les techniques de réalisation telles que la préfabrication, la robotisation, l’emploi de la cobotique et l’impression 3D sont à coupler pour atteindre les meilleurs équilibres.




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